Comment les constructeurs de maisons individuelles doivent se réformer pour faire face à la crise !
- Arnaud viallaneix
- 5 sept. 2023
- 9 min de lecture

Jamais l’écosystème de l’immobilier n’a autant été en ébullition et tous les acteurs portent leurs espoirs sur un changement de braquet du gouvernement.
Indépendamment d’un éventuel plan logement plus ambitieux que ne produirait l’état, les acteurs du logement font face à des défis structurels et conjoncturels qu’ils vont devoir gérer par leurs propres moyens. C’est dans ces temps de crise qu’il convient de se remettre en cause et casser ses codes ?
Concernant le secteur de la maison individuelle, voici quelques pistes d’optimisation indépendantes des politiques gouvernementales que je souhaite partager.

S’il existe un produit immobilier qui a la faveur des Français, il s’agit bel et bien de la maison individuelle car selon une étude FFC/ IFOP de 2023, plus de 80% des Français interrogés préféreraient vivre dans une maison individuelle qu’en appartement .
Ce marché porté par les CMistes a permis d’apporter une solution économique en primo accession grâce à des aides au financement comme le PTZ
Le marché de la MI désormais pris dans la tourmente et va devoir s’adapter s’il veut éviter une disparition significative des constructeurs tel qu’observé en 2008 à la suite de la crise des subprimes

La MI face à des contraintes structurelles :
Progression continue du « panier moyen » achat de MI car si l’attention est concentrée sur le prix des maisons, il s’agit bien d’un projet maison et terrain. On observe depuis dix ans une progression continue du prix de foncier qui a augmenté de 25% alors que dans le même temps la surface moyenne des parcelles réduisait de 7% (Source Ministère Transition écologique)
Star des années 70 notamment sous la gouvernance Giscard D’Estaing, la MI a connu son heure de gloire et à cette période le groupe Geoxia réalisait ses meilleures années avec des production supérieures à 15 000 maisons livrées. Depuis on constate un désamour croissant de la part des politiques et des gouvernements qui vise à réduire l’artificialisation du territoire au bénéfice de la rénovation / réhabilitation des logements existants
Un cout croissant de la construction en raison de ‘application de nouvelles réglementations telles que la RE 2020. Les estimations pré covid de surcout dû à la mise en place de cette nouvelle norme oscillaient entre + 5% et +15% selon les scénarii. La reprise de l’économie mondiale post covid et les crises Ukrainienne et énergétique ont fait exploser les couts depuis !
A ces facteurs structurels sont venus s’additionner des éléments plus conjoncturels qui grippent totalement le système :

La baisse spectaculaire du pouvoir d’achat immobilier en raison de la hausse spectaculaire des taux d’intérêts couplés à la hausse continue des prix de construction depuis plus de 1 an. Environ 25% de chute entre juillet 2023 et janvier 2022
-Une série de chocs liés au financement qui a réduit considérablement l’accès au crédit immobilier :

La chute des prêts aidés tel que le PTZ : le changement de périmètre initié début 2018 a fait plonger le volume de ce financement plébiscité par une population de primo accession modeste dans les zones rurales & peu tendues. De 123 K prêts octroyés en 2017, le volume a été divisé par deux en 5 ans pour atteindre 63K en 2022. Chez un spécialiste de l’accession sociale tel que Maisons Phenix, le dispositif de PTZ représentait en 2017 plus de 85% des dossiers de financement validés. Outre cet acteur disparu, on peut considérer que la majorité des CMIstes étaient sous perfusion de ce prêt aidé.

Disparition du banquier de la maison individuelle, le Crédit Foncier, seule banque spécialisée dans le financement immobilier après la disparition du CIF, préemptait totalement les dossiers que la majorité des banques classiques refusaient d’instruire. Cet acteur spécialisé dans les dossiers peu "bancarisables" et complexes pesait lourd sur le marché de la primo accession sociale car son savoir-faire historique permettait des montages de dossiers multi crédit que les acteurs bancaires généralistes ne savaient pas opérer et ne voulaient pas prendre. A sa disparition en 2019, le passage de relais aux autres marques de la BPCE annoncé par le groupe éponyme n’a pas eu lieu, sacrifiant ainsi le financement des plus modestes.

L’application stricte des directives de l’autorité de tutelle des banques (HCSF) depuis 2022 a accéléré le mouvement touchant également des profils de clients beaucoup plus solvables : Lancée en janvier 2020, ces mesures ont d’abord défavorisé les classes modestes et ont tué littéralement le segment de la primo accession sociale avec un cocktail mortifère : taux d’endettement maximum de 33%. Durée maxi de 25 ans, apport de 20% minimum et épargne de précaution. Entre 2022 et 23, la production de crédit à chuté de plus de 30% vs 2022.et les prévisions ne vont pas en s’améliorant.

Un contexte social anxiogène : réforme des retraites / émeutes urbaines, autant de facteurs qui buisent à la confiance des ménages, or pour s’investir au sens dans un projet immobilier, la confiance dans l’avenir est primordiale.
La concomitance de tous ces facteurs grippe l’industrie de la construction de maison créant ainsi les conditions d’une crise dure et durable. Est donc venu le moment à cet écosystème de se remettre en cause car si le monde a fortement évolué ces 3 dernières années, on peut considérer que le monde de la construction s’est peu réformé depuis des dizaines d’années tant au niveau du procédé constructif que dans l’approche commerciale et produit.
Alors que faire dans ce contexte ? Voici quelques propositions indépendantes d’un changement de politique gouvernementales que je recommande de mettre en œuvre
3 conditions sine qua non pour maintenir une activité de construction de maisons individuelles, la maitrise du foncier , une qualification renforcée des prospects et bien sûr une offre produit adaptée à la nouvelle donne :

Identification des terrains : Il devient impératif de changer de braquet sur ce sujet qui devient de plus en plus crucial et pas uniquement que dans les zones historiquement tendues en potentiel foncier comme IDF, Rhône Alpes ou Paca. La mission de trouver un terrain pour y construire une maison a été majoritairement celle des commerciaux qui contrairement aux vendeurs de la promotion sont totalement multi taches (foncier + projet technique + solvabilité et bien sur gestion des leads clients pertinents). La spécialisation des taches me parait plus que nécessaire à l’instar de la promotion qui a dédié des développeurs fonciers à l’échelle d’une région ou d’une zone urbaine, il convient de concentrer cette mission entre les mains de professionnels dont c’est l’unique mission. Ces derniers doivent disposer de véritables outils de détection de foncier autre que la simple pige des annonces sur les portails immobiliers mais aussi disposer de mécaniques de rémunération des apporteurs d’affaires / rabatteurs qui donnent les précieuses indications.

Verrouiller les terrains : Une fois le terrain identifié, certains acteurs ont développé des structures qui préemptent temporairement le terrain pour ensuite le revendre aux particuliers désireux d’acquérir le terrain mais uniquement avec un projet du constructeur. Cette technique a été beaucoup utilisée dans les régions tendues en foncier tel que Rhône Alpes et PACA On applique au terrain le principe d’exclusivité qui existe dans la transaction

Réorienter son offre produit
Priorité absolue : le temps de mega lotissements de pavillons quasi identiques en périphérie des villes moyennes est révolu, place désormais à des combos maison + terrain plus premium tant par la localisation, le prix et surtout les prestations. Il devient crucial pour la profession de monter en gamme à l’instar de ce que le groupe Heaxom a réalisé ces dix dernières années ; un virage stratégique a été pris bien en amont de la crise actuelle : le groupe Hexaom a , tant par des rachats de marques moyenne / haut de gamme et surtout par la montée en puissance de sa gamme , su éviter les écueils actuels. Ses résultats Mi parlent d’eux même avec un CA MI en hausse de 10% en 2002 vs 2023 (source CP Hexaom juin 23). Un effort significatif avait été tenté par Maison Phenix pour sortir de son image de vendeur de pavillons plain-pied, deux chambres ,90m² dédie à une clientèle de smicards mais on ne passe pas de Dacia à Audi en quelques mois !

Privilégier les projets à étages et modulables : A des fins de séduction des collectivité locales et bien sur des prospects, il devient nécessaire de penser dés la conception à des possibilités d’agrandir et de surélever des maisons. Les bénéfices sont conséquents : pas d’étalement urbain additionnel, des parcelles de plus petite taille, le maintien des occupants pendant les travaux et bien sur un cout bien plus faible qu’en cas de revente et déménagement.

Standardiser les programmes et limiter la personnalisation : la haute couture n’a jamais produit de bons couts de revient, prend du temps et est limitée à une élite. Henry Ford avait réussi à s’imposer sur le marché automobile grâce à la FORD T : un seul modèle, pas d’options et un seul prix. Si les promoteurs ont proposé pour certains la personnalisation des prestations, il convient en temps de crise de redécouvrir les avantages d’une offre plus simple donc moins couteuse et surtout abordable pour les acquéreurs. Plus près de nous l’approche ultra standardisée de maison phénix développée des 1946 a permis avec succès de baisser fortement les couts et les délais de réalisation. Les raisons du succès pendant plus de 40 ans : une offre simple ultra standardisée associée à la production de composants stratégiques tels que les charpentes métalliques, les dalles en béton et les pieuvres électriques qui étaient fabriqués dans les usines du groupe et posées par des équipes de monteurs Phenix dédiées).

S’investir sur des marchés connexes mais porteurs :
Si la construction de maisons neuves n’a pas la faveur de politiques publiques, il n’est est pas de même pour la rénovation, réhabilitation du parc existant. Contrairement à la rénovation énergétique qui nécessite des compétences spécifiques, les activités de rénovation simple , d’ agrandissements et les sur élévations restent proches de l’activité transaction. .
Heaxom et surtout Geoxia ont développé des filiales en charge de ce marché potentiel très important. Dans le cas de Phenix qui nécessite la maitrise des charpentes métalliques, le potentiel de maisons dépassait les 200k maisons sur tout le territoire. Que dire du potentiel des maisons construites de façon plus traditionnelle !

Les constructeurs comme les promoteurs subissent de plein fouet la hausse des couts de construction depuis plus plus de un an mais sont ils préparés à faire face tant au niveau des processus que des organisations mises en place depuis toujours ...?

A l’instar de la plupart des promoteurs y compris les majors, le principe basique de massification des achats n’est pas la règle sur le marché de la construction. Or , en ces temps de hausse continue des prix d’achat, la massification des achats devient essentielle. La grande distribution a réussi a associer des enseignes concurrences pour peser sur les achats après des multinationale de l‘alimentaire. Dans l’immobilier, quasiment tous les acteurs du neuf et de l’ancien ont soutenu le portail Bien Ici afin de limiter la dépendance à Se loger et le Bon Coin , pourquoi aucune initiative n’est envisagée par les syndicats professionnels entre autre ?

o Maitriser les couts de production via des outils type Saquara. Jusqu’à 10% d’économie, c’est ce que promet cet acteur montant de la gestion des appels d’offres qui opère dans le monde de la grande distribution et de plus en plus auprès des acteurs de la construction & promotion. A date, la profession fonctionne de façon totalement artisanale et n’optimise pas ses couts opération après opération. Lidl qui a développé son réseau et l’surtout refondu sur des quantités industrielles est adepte de la solution !

Revoir le procédé constructif pour gagner en budget achats donc en prix de vente. Le mode constructif majeur en France concerne des maisons en bâti traditionnel réalisées sur place. Seuls certains acteurs du bois et feu la marque Phenix ont développé de la construction partielle hors site. Ce type de fabrication nécessite une relative standardisation des maisons proposées mais apporte quand elle est bien réalisée de multiples avantages : des économies d’échelle de taille avec le volume et un impact réel sur la durée de construction. L’acteur à suivre est le groupe Japonais SEKISUI qui depuis des usines produit des maisons quasiment en kit. Contrairement à Phenix qui opérait sur des clientèles aux revenus modestes, SEKISUI lui se concentre sur une clientèle plutôt moyenne/haut de gamme. Le groupe s’est développé en dehors de ses frontières comme les USA et s’est déjà installé en Allemagne et au UK !

La qualification des prospects demeure un chantier essentiel car si l’offre est adaptée à la nouvelle dans un cadre budgétaire cohérent, il est impératif que les prospects rentrent dans le cadre du scoring bancaire étroit qui freine l’accès à la propriété. Hormis les grands acteurs qui disposent de contacts centers intégrés ou externalisés, la majeure partie des CMIstes ne qualifient leurs prospects que via l’action des commerciaux. La qualification doit être double : mesurer l’appétence du prospect et valider sa solvabilité bien en amont. Dans le premier cas, je ne peux que recommander ce que j’avais mis en place pour les 3 marques du groupe Geoxia avec la société PINPO, spécialiste de la qualification dans le monde du service et de l’immobilier. L’alliance de l’IA et de l’humain permet de qualifier de façon aisée et peu couteuse en temps et en budget les leads de prospects. Une segmentation simple chaud, tiède ou froid permet de filtrer aisément les prospects à contacter tout de suite et ceux à relancer par la suite.

Malgré le contexte morose, la demande en maison individuelle reste élevée et la qualification la plus stratégique désormais reste celle de la solvabilité des prospects. Le minimum syndical est d’avoir des deals avec des réseaux de courtiers et surtout la ou ils sont puissants.
Mon expérience passée chez Geoxia m’a montré que sans outils digne de ce nom, la qualification financière était trop tardive. A date, seule le produit Elmmo développé par ELOA donne la possibilité aux commerciaux de déterminer en séance le go / no go sur le dossier après une comparaison instantanée du marché. La Centrale de Financement, In&FI crédit & mini taux ( courtier interne de Keller William) disposent déjà de cet outil.
En synthèse, on peut attendre du gouvernement des mesures plus fortes en faveur du logement mais on peut aussi faire évoluer son business model et revoir sa copie stratégique pour surfer le mieux possible sur cette crise qui s’annonce dure et potentiellement longue ?

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